21 février 2022

Coups de cœur n°1

Parfois – souvent – en me rendant à la médiathèque, je cherche un ou plusieurs livres en particulier, que je ne trouve pas. Mais je ne repars jamais les mains vides : non, je repars toujours avec d’autres livres tout aussi superbes mais… en plus grand nombre.

De prime abord, j’avais réalisé une liste d’albums jeunesses classés en différentes catégories. L’idée était de vous faire des présentations de ces ouvrages organisées autour de divers thèmes, tels que la rentrée des classes, l’écologie, l’environnement, les grands-parents, la poésie et bien d’autres encore. Mais force est d’avouer que j’aurais dû réserver ces albums avant de partir à l’aventure dans le rayon jeunesse de la médiathèque Michel Crépeau.

Toujours est-il qu’à défaut de vous présenter des ouvrages articulés autour d’un sujet précis, je vous présenterai aujourd’hui et pour les semaines à venir trois à quatre livres « coup de cœur » que j’ai pu dénicher à la médiathèque du centre de la Rochelle.

Pour mieux vous expliquer et vous justifier pourquoi j’ai choisi ces livres en particulier, force est d'avouer qu’en termes d’album jeunesse, j’ai quelques points faibles. Le premier se situe aux niveaux des couvertures : je me dirige instinctivement vers les illustrations aux couleurs douces, pâles et pourvues de traits délicats.

C’est donc le seul point commun qui relie les trois albums présentés ci-dessous. Mais je vous l’assure, les prochains articles concerneront des albums avec, pour toile de fond, un sujet commun.

 

Poucette, Hans Christian Andersen, traduit par David Soldi, conte remanié.
Illustrations par Marco Mazzoni.

« Crapauds, hannetons, souris ou taupe, chacun veut choyer à sa manière Poucette, la toute petite fille à peine éclose. Grâce aux hirondelles, elle choisit de s’affranchir. »

C’est cet album et ses illustrations qui m’ont amenée à ne pas suivre ma liste comme je l’avais prévu. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu un conte d’Andersen, et quelle joie de retrouver Poucette (ou de la Petite Poucette, suivant les versions) dont, pourtant, j’appréciais tout particulièrement l’histoire et l’un des films animés quand j’étais petite !

Vous devez probablement vous souvenir de cette fillette aussi minuscule qu’un pouce et dont la beauté n’a d’égale que la douceur. Née au sein d’une fleur à partir d’une graine d’orge, Poucette est arrachée à sa mère par des crapauds, des hannetons, une souris et une taupe, avant d’être sauvée par une hirondelle.

A mes yeux, ce conte, sublimé par les merveilleux dessins de Marco Mazzoni, est une ode à la nature et aux animaux. Même si certains ne sont pas gentils – en réalité, hormis l’hirondelle, tous n’ont aucune empathie pour la pauvre Poucette – les dessins – en particulier des fleurs – sont si captivants que l’histoire de Poucette devient une aventure au cœur du monde végétal.

Cet album possède également une certaine profondeur, notamment à travers le personnage de Poucette. A plusieurs reprises, on lui propose des prétendants pour un mariage qu’elle ne souhaite pas. Et la fin reste ouverte : même si l’on peut se douter que Poucette acceptera sans doute une énième demande en mariage, elle souhaite prendre son temps et découvrir le monde. La fillette devenue jeune femme jouit alors de sa liberté, et parvient à s’émanciper.

Ce conte ne possède pas de morale, mais l’émancipation des femmes est toujours un sujet d’actualité et ce, dans de nombreux pays.

Comme je l’évoquais précédemment, ce sont les illustrations qui m’ont portée vers cet album. Et quelles illustrations ! Elles sont de toute beauté, les dessins sont réalistes et les traits sont fins, avec des teintes de rose et de bleu travaillées au crayon de couleur.

A la fin du conte, quatre pages sont consacrées aux explications du pourquoi cette édition, à la présentation de l’illustrateur, ainsi que des modifications du conte à travers les décennies. On apprend que cette collection – et donc cette réédition de contes - est avant tout portée sur l’image et dirigée par Benjamin Lacombe, illustrateur français connu pour son trait singulier et son incroyable travail. On y apprend aussi que Marco Mazzoni, l’illustrateur, a un lien avec ce conte et qu’il a choisi d’illustrer Poucette en suivant avec ses dessins la métaphore par laquelle l’histoire montre comment Poucette enfant, devient femme et s’intègre dans le monde.

 

Les trois petites vies de Petite Perle, Carl Norac, Anne Catherine De Boel

« Jason, dit Petite Perle, je vais te dire mon secret. Une semaine sur trois, je suis une fille et je voyage, parfois en ville, souvent ici. Une autre semaine, je suis un oiseau, je suis libre et le ciel me connaît. La troisième, je suis une fleur et je me cache. Voilà, tu sais tout mon ami. Jason, qui avait pourtant lu tant de livres sur la magie, n’avait jamais entendu une histoire aussi étrange. »

Il est probable qu’une part d’entre vous ait forcément entendu parler de Carl Norac, cet auteur de poésies et d'albums jeunesse particulièrement prolifique et brillant.

A chaque fois, ces textes nous transportent et « Les trois petites vies de Petite Perle » ne fait pas exception à la règle.

A Taiwan, nous assistons à la rencontre entre Jason, un jeune garçon sensible à la magie, et Petite Perle, nommée Liu, une étrange fillette de son âge qui lui confie son secret : toutes les trois semaines, une nouvelle vie s’offre à elle, elle est une fille, puis un oiseau et une fleur qui se cache.

Une amitié sincère et d’une pureté grandissante nait entre Jason et Liu qui souhaitent ne plus se quitter. C’est ainsi que nous suivons Jason et chacun de ses efforts pour protéger Liu lors de ses deux autres vies (d’oiseau et de fleur).

Ce texte est juste et le contexte est très touchant. Et naturellement, les magnifiques illustrations aux pastels d’Anne Catherine De Boel participent avec merveille à la beauté de cet album. 

Les pages sont grandes et le travail des couleurs est soigné. De plus, durant deux doubles pages, lors des changements de Liu, les dessins sont à l’aquarelle, participant à l’atmosphère de douce métamorphose de cette l’histoire.


La fin est captivante, et garde l’émotion touchante de cette belle amitié tissée entre Liu et Jason qui nourrit le texte où les couleurs se fondent avec délicatesse.

Même si certaines pages ne prêtent pas à une grande facilité de lecture, le texte noir étant sur fond foncé, cet album a été une très jolie trouvaille. De plus, j’ai particulièrement apprécié les touches culturelles qui nous renseignent sur Taïwan.

 

Graines de sable, Sibylle Delacrois, sans résumé


J’ai beaucoup hésité à vous présenter cet album, car par rapport aux autres ouvrages, une petite chronique sur ce livre me paraissait plus difficile à rédiger.

Une petite fille rentre de ses vacances à la plage avec son petit frère et ses parents. Indubitablement, la tristesse l’envahit dès qu’elle pose le pied chez elle. La mer et la plage lui manquent. Mais heureusement ! Elle a rapporté avec elle un trésor : des grains de sables. Peut-être qu’en les semant elle pourra retrouver ce qui lui manque tant ? Vagues immenses, parasols, châteaux de sable et glaces rafraîchissantes peuvent-ils revenir grâce à ces graines de sables ?

Bêtement, je me suis dit qu’une présentation aurait été futile, que le sujet des « vacances » était moins intéressant à exposer.

Puis, je me suis rendue compte que pour faire un bon livre jeunesse, il ne fallait pas forcément que le sujet soit actuel, profond ou empli d’émotion.

De prime abord, cet album est simple, mais la dynamique qu’il contient est très intéressante.

Grâce à ce livre, les enfants peuvent retrouver tout ce que l’on peut voir à la mer et à la plage, avec douceur et bienveillance. De plus, on y constate une certaine légitimité de la tristesse de l’enfant par son père qui se montre compréhensif. Elle est triste car les vacances sont finies : même s’il y a probablement plus grave dans la vie, cette tristesse, elle a le droit de le ressentir.

En termes de dynamique, la façon dont sont choisis et employés les mots est étonnante. On y trouve des métaphores – métaphores qui, pour les enfants, sont enrichissantes. Deux parallèles sont faits entre l’eau des vagues et l’expression « vague à l’âme », puis entre les grains de sable et « le marchand de sable ». Les phrases de chaque double page étant construites de la même manière, les répétitions engagent les enfants à réfléchir en même temps que les personnes du livre, en cherchant tout ce que l’on trouve sur la plage pendant les vacances.

Concernant les illustrations, les dessins sont effectués au crayon de bois et sont emplis de candeur. Deux couleurs sont prédominantes au fur et à mesure des pages : le bleu et le jaune, qui, naturellement, rappelle les vacances au bord de la mer.

L’album est assez grand et chaque double page ne possède qu’une ou deux phrases donc il sera, je pense, plutôt facile à présenter à votre jeune auditoire, qui apprécieront sûrement les dessins mignons et attractifs. Et, pour faire rêver les enfants, après tout… pourquoi les grains de sables ne pourraient-ils pas être des graines ? Pourquoi ne pas cultiver le sable et faire pousser des choses extraordinaires ?