28 février 2022

Coup de cœur n°2 - Trois albums illustrés par Magali Dulain

Aujourd’hui, le fil conducteur des trois livres que je vais vous présenter sera toujours les illustrations mais en l’occurrence… il s’agira davantage de l’illustratrice ! Eh oui, par une chouette coïncidence, trois albums illustrés par Magali Dulain se sont retrouvés entre mes mains lors de ma dernière escapade à la médiathèque. Il me paraît alors pertinent de les présenter sous le même article.

Pour le petit point informatif, Magali Dulain est une illustratrice lilloise. Après avoir étudié à l’ESA (école supérieure des arts) en Belgique, elle dessine depuis 2010 pour la littérature jeunesse et pour la presse. Si son travail vous intéresse davantage vous trouverez son site internet en cliquant juste ici.

Il est ainsi très probable que je vous écrive d’autres articles à propos d’albums qu’elle aurait illustrés car j’apprécie beaucoup son travail.

 

Louise


Ecrit par Stéphanie Demasse-Pottier
Illustré (non sans suprise) par Magali Dulain


« Depuis, pour Louise, le monde est devenu plus doux… »




Bon, je me dois d’être honnête : ce n’est pas nécessairement la couverture qui m’a attirée en premier lieu et qui m’a fait choisir cet album. C’est son titre. Comme beaucoup de personnes (du moins je l’espère), je possède encore ce trait candide à me diriger vers des ouvrages qui possèdent mon prénom entre ses pages.

Toujours est-il que ce livre a été une très belle trouvaille. Que dis-je, une merveilleuse trouvaille. J’ai été très touchée par cet album, autant en termes d’illustrations que son sujet.

Louise, petite fille à la belle chevelure imposante, affiche un caractère fort et fier, qui fait échos à sa grande taille. Mais voilà, derrière ce qu’elle est aux yeux d’autrui, Louise est triste. Très triste. Elle est seule et souvent, elle pleure. Jusqu’à ce jour où elle rencontre une autre Louise qui est aussi triste qu’elle. Ensemble, elles pourront s’aider.

Ce texte a un thème plutôt fort à mes yeux et qui me paraît important à aborder auprès des enfants. Malgré ce qu’autrui peut montrer, malgré ce qu’on peut penser de lui avec ce qu’il affiche et semble être, ou même malgré ce que nous sommes aux yeux de tous, il se peut qu’en réalité, il n’en soit rien. Que ce caractère n lui donne ne soit que factice. Que, sans que personne ne puisse le savoir ou le deviner, on peut être très triste et très seul. Et que nous avons le droit de l’être

Mais qu’ainsi, c’est souvent en échangeant, en parlant, en se confiant et même en pleurant avec quelqu’un d’autre qu’on peut aller mieux. Que c’est parfois en partageant sa peine, notamment avec quelqu’un qui la partage et la vit aussi, qu’on peut sourire à nouveau.

Ce livre peut nous apprendre à ne jamais juger même si l’on pense bien connaître quelqu’un. Que l’on peut toujours ressentir une grande tristesse tout en la cachant. Qu’il ne faut pas non plus juger sa propre tristesse, bien au contraire.

En parallèle, ce livre recèle également deux autres thèmes qui, bien que minimes, me semblent importants à souligner. Le premier concerne les personnages : bien que les deux Louise possèdent le même prénom et une tristesse commune, elles sont différentes. Cela peut faire échos au fait que, même si l’on peut présenter un ou plusieurs points communs avec autrui, nous gardons nos différences – nous restons unique.
Le second point, bien plus moindre encore, prête plutôt à la sémantique. J’ai trouvé amusant que, dès les premières pages, la première Louise soit considérée comme une guerrière quand l’étymologie de ce prénom signifie justement le combat. Si l’on va loin, on peut penser que nous ne sommes jamais vraiment prédisposés à posséder un certain trait de caractère par notre famille, notre destin ou, en l’occurrence, notre prénom.


Quoi qu’il en soit, ce livre m’aura, vous l’aurez probablement aisément perçu, très touchée. A mes yeux, c’est un sujet important à aborder, que l’on soit enfant ou adulte.

Pour parler des illustrations, elles sont sobres, en noir et blanc. C’est probablement ce qui les rendent encore plus touchantes, captivantes. Les dessins de Louise(s) sont toujours très jolis, tout comme les douces esquisses du monde qui l’entoure - ou qui entoure ce qu'elles ressentent.

Enfin la dynamique du livre peut aussi être intéressante à présenter à vôtre petit auditoire : le texte utilise les répétitions. Chaque nouvelle page et phrase est construite comme les précédentes, ce qui peut inciter les enfants à réfléchir afin de deviner la suite.

 

Je m’appelle Nako


Ecrit par Guia Rosari
Illustré par Magali Dulain


« Nako est un jeu garçon qui fait partie de la grande famille des gens du voyage. On les appelle aussi Tsiganes, Bohémiens, Romanichels, Gitans, Manouches, Sintis, Roms ou nomades. Il nous raconte sa vie de tous les jours, ses craintes, mais aussi ses rêves. Des mots et des images pour découvrir un univers singulier et riche d’une culture remarquable. »


Même si à la Rochelle, ou en Charente-Maritime en général, nous croisons peu de familles appartenant au gens du voyage, ils sont plutôt importants à aborder auprès des plus jeunes.

Ainsi, par la voix de Nako, petit garçon issus d’une famille de « Roms » et vivant au cœur « d’un village » de gens du voyage, nous en apprenons plus sur ce peuple.

L’histoire est très touchante. Il permet de connaître davantage cette culture sur laquelle on n’entend toujours beaucoup « d’on-dit » qui sont, souvent, particulièrement infondés. Grâce à Nako et sa voix – parole qui rend la lecture d’autant plus captivante et immersive – nous pouvons désormais en savoir davantage sur ces « Gens du voyage et leurs mœurs », la manière dont ils vivent, notamment au sein de notre société qui ne les acceptent pas toujours, mais aussi leurs familles, les drapeaux et leurs histoires - et enfin leur Histoire avec un grand h, contée de bouche à bouche, génération après génération, sans écrit pour l’assurer.

Les dessins, très doux et aux couleurs tendres, participent à rendre l’histoire encore plus touchante. Par ces traits innocents faits aux crayons de couleurs, j’ai été portée par cette histoire qui ne concerne pas que Nako, mais bien toute sa famille et son peuple. Même si leur histoire n’est pas toujours heureuse, même si leur vie n’est pas toujours facile, l’espoir et la joie teintent ce peuple.


L’un des grands plus de ce livre est sa fin, ficelée par une métaphore que les enfants comprendront sans mal.

Au terme de l’album, quelques explications sont données, comme une sorte de glossaire. D’une manière plus théorique, elle nous en dit plus sur leur histoire, en se concentrant brièvement sur la vie de Zarko Jovanovic Jagdino, celui qui a écrit leur hymne, Djelem, après la seconde guerre mondiale et le génocide de son peuple. On sait désormais comment et pourquoi Djelem a été écrit. L’hymne est d’ailleurs présente juste après, en langue romane mais également traduite.

Le livre s’achève sur différent proverbes de cette culture qui, j’en suis convaincue, ne peut que nous toucher.

 

La belle échappée


Ecrit par Maylis Daufresne
Illustré par Magali Dulain


« Par une douce soirée d’été, un petit chat sauvage invite Alice à découvrir la forêt. Elle escalade alors les arbres avec l’écureuil, dégringole les talus à la suite du loup, hume les fleurs des bois aux côtés de la biche et, surtout, respire la nuit. »



A nouveau, dans cet album, les illustrations sont intimement liées au texte. Les dessins sont pleins de tendresse et empreints d’innocence, et les couleurs sont très douces. Cette douceur sert tout-à-fait le thème puisque la majorité de l’histoire se passe en forêt, aux côtés d’animaux, comme nous l’indique le résumé.

Après délibération, ces animaux invitent Alice à faire le tour de la forêt près de chez elle en leur compagnie. Cette balade permet de faire une brève mais jolie découverte de cette nature, auprès de cette adorable faune. Une page est notamment intéressante car les animaux eux-mêmes osent faire une juste métaphore des actes parfois mauvais faits par les humains à la forêt, et ainsi aux êtres qui y vivent.

Mais cette balade nocturne reste douce, tendre et les jolies illustrations soulignent cette délicatesse.


D’autre part, ce que j’ai particulièrement trouvé intéressant dans cet ouvrage, est le retournement de situation qui s’opère peu après la moitié de l’album. Les rôles s’inversent. C’est désormais le chat qui se trouve chez Alice. Par des phrases aux mêmes dynamiques que les précédentes, nous n’apprenons plus ce que le chat et les animaux font dans la forêt mais ce que les humains, Alice et ses amis en l’occurrence, font dans leurs maisons.


Grossièrement, par ce parallèle et cette juxtaposition stylistique de répétitions, l’auteur « boucle la boucle. »

En effet, en plus du reste, ce procédé est toujours pertinent et ludique à présenter aux enfants – en particulier lorsqu’il est conçu main dans la main avec des illustrations si douces et une histoire si tendre !

 

Pour conclure, ces trois albums m’auront chacun à leur manière beaucoup émue. Que ce soit par leurs textes touchants ou empreint d’innocence et de douceur ou les illustrations de Magali Dulain qui, colorées ou en noirs et blancs, soulignent toujours avec justesse ce que l’auteur nous écrit… et nous dessine.